Genre, politiques et pratiques dans les médias au Bénin
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Genre, politiques et pratiques dans les médias au Bénin


Des moniteurs examinant la presse écrite où l’on a constaté une faible présence des femmes dans les reportages. Photo: EPFONG. 

Les femmes représentent la majorité de la population béninoise, mais elles sont les moins connues. Elles drainent la foule lors des grands regroupements à la place publique, mais elles n’ont pas droit à la parole. Elles détiennent le nerf de l’économie nationale pour être au premier rang des activités marchandes, mais elles n’ont pas voix au chapitre dans les instances de prise de décision. Elles ont un goût assez prononcé pour la culture et le maintien de la paix mais elles en bénéficient souvent trop peu parce que, victimes de plusieurs formes de violences. Avec un sens très élevé de la notion du bonheur, elles en subissent généralement le revers. Les femmes, puisque c’est d’elles qu’il s’agit, sont souvent absentes là où elles sont censées donner de la voix pour leur plein épanouissement et pour l’équilibre de la société. Si le continent africain est généralement concerné par ce phénomène, le cas béninois est plus parlant.

L’ONG Espoir de la Famille a mis en œuvre avec le soutien financier et technique de la WACC (World Association for Christian Communication) le projet intitulé : « Promouvoir la participation et l’implication des femmes dans les médias pour un meilleur traitement des questions de genre dans les politiques et les pratiques des médias au Bénin » L’un des buts visés par le projet est de réaliser une étude dans les départements de l’Ouémé et du plateau sur « monitoring des medias sur la promotion du genre dans les medias » Etalée sur la période allant du mois de Janvier à Décembre 2014, cette étude a permis de mieux cerner les contours d’un phénomène aux conséquences insoupçonnées, mais se posant avec acuité au Bénin.

L’étude a consisté, pour 40 moniteurs dont les compétences ont été renforcées sur le monitoring des médias, la communication, médias et genre, de suivre 17 organes de presse dont 07 radios, 07 presses écrites et 03 télévisions locales, pour renseigner les fiches de codage spécialement conçues, résumer des émissions ou des publications portant sur le genre ou de joindre des résumés, coupures de presse ou éléments audio-visuels permettant d’apprécier le phénomène objet de l’étude.

 

Le désintérêt, le désamour et la désinvolture: des terreaux fertiles

Le désintérêt et le désamour des femmes pour les médias d’une part, est patent. En effet, la majorité des journalistes présentateurs des médias suivis sont des hommes, soit 67% pour les radios, 76% pour les télévisions et 79% pour la presse écrite. Les femmes représentent en moyenne 19%, soit 22% au niveau des radios, 15% pour les télévisions et 21% pour les presses écrites. Cependant, les femmes et les hommes interviennent ensembles très rarement ou presque pas sur l’ensemble des médias suivis au cours de la période, soit 10% au niveau de la radio, 9% au niveau de la télévision et 0% au niveau de la presse écrite.

De manière générale, l’implication des hommes dans le traitement de l’information au niveau des différents médias suivis est largement supérieure à celle des femmes, soit en moyenne 70% pour les hommes contre en moyenne 21% pour les femmes. Celle des hommes avec les femmes simultanément vient en dernière position, soit en moyenne 9%. Ces résultats montrent largement la faible participation des femmes dans les productions médiatiques au niveau des médias et justifient le bien fondé du projet. L’approche genre n’apparait donc pas dans les médias, pourrait-on conclure sans le risque de se tromper. Ces résultats montrent le faible niveau d’implication des femmes dans les reportages au niveau des différents médias survis.

La désinvolture d’autre part, parce que les sujets ayant rapport à la femme sont l’objet de moins d’attention dans les médias. Pour preuve, sur 83 reportages effectivement suivis au niveau des radios lors de la période du monitoring, ce sont les questions relatives à la politique et au gouvernement, à l’économie et au développement rural qui ont été abordées presque dans la même proportion soit respectivement : 33%, 34% et 34% , pendant que les questions relatives à la ‘’Pauvreté, logement, bien – être social’’, la ‘’participation des femmes au processus économique’’, l’‘’économie rurale, agricole, pratiques’’, la ‘’santé reproductive’’ et la « pauvreté » qui sont en principe des sujets qui touchent le plus les femmes sont abordés à très faible proportion, soit 1% justifiant le peu d’intérêt accordé par ces radios aux sujets relatif à la promotion de la femme.

La situation au niveau des télévisions est moins reluisante. Sur 27 reportages suivis par les moniteurs sur les télévisions ciblées lors de la période de monitoring. 48% de ces reportages concernent la thématique « politiques et gouvernement », 26% la thématique « économie » et 26% encore la thématique « développement rural ». Quant aux sujets relatifs à « l’économie » et au « développement rural » qui touchent en grande partie les femmes, ont été très peu abordées par les télévisions.

C’est dire donc qu’au Bénin en général, et dans les départements de l’Ouémé et du Plateau en particulier, les femmes sont mal représentés en matière de participation et d’accès aux médias. Peu d’entre elles sont dans les équipes de reportage et, que ce soit à la radio, à la télévision, ou dans la presse écrit, la parole donnée aux femmes est soit limitée ou quasi absente.

Cette mauvaise ou inégale représentation empêche les médias de devenir des espaces démocratiques intégrateurs. L’absence d’égalité homme/femme aux hautes fonctions politiques ou administratives, aux fonctions électives et dans les médias ne promeut ni le genre ni la parité encore moins le droit des femmes à la représentation, à la communication et à la participation aux instances de décision qui est pourtant un droit acquis.

 

Les textes prospèrent, le mal

demeure et opère

Malgré la promesse des textes et des engagements, le phénomène demeure, opère et prospère. L’absence notoire des femmes dans les instances de prise de décisions et dans les médias et le manque d’intérêt de ces derniers aux questions de « genre » et de « l’égalité homme/femme » mettent le Bénin en porte-à-faux par rapport à ses engagements internationaux.1

« L’homme et la femme sont égaux en droit ». Pour renforcer cette disposition constitutionnelle, plusieurs lois ont été adoptées.2

  Cet arsenal juridique est renforcé par la création d’un Ministère3 chargé de la promotion de la femme dont des points focaux Promotion Genre sont installés dans tous les ministères. On peut passer sous silence, la création par décret n° 2009-728 le 31 décembre 2009, de l’Institut National pour la Promotion de la Femme dont le but est d’améliorer l’atteinte des objectifs qui lui sont assignés et modifié par le décret 2015-161 du 13 Avril 2015 qui fait de cet institut un Office à caractère social et scientifique doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière.

Malgré cette floraison de textes et d’instruments juridiques, les engagements du Bénin pour le moment, semblent théoriques. Cet état de chose s’explique d’une part par le manque de volonté politique et d’autre part, par le fait que certaines femmes victimes d’injustice sociale liée au genre ne sont toujours pas prêtes à se faire interviewer. Seules quelques femmes activistes et membres d’organisations ont le courage de monter au créneau pour dénoncer les injustices mais elles sont souvent limitées.

Le faible engouement des journalistes par rapport aux sujets d’investigation fait que les zones rurales où subsistent le plus souvent les discriminations relatives au genre sont très souvent laissées pour compte, privant ainsi de parole, nombre de femmes rurales qui doivent continuer de subir stoïquement, les différentes formes d’injustices qui leurs sont faites, les médias béninois étant le plus souvent occupés par les politiciens qui sont justement prêts à payer le prix mais dont les interventions ne valorisent souvent malheureusement pas les femmes

Le désespoir est patent et profond mais l’espoir est permis. Pour ce fait, il va falloir encourager et stimuler à travers des subventions supplémentaires ou particulières médias, la promotion du genre. Les médias communautaires qui couvrent généralement les autres zones rurales où résident un nombre important de femmes analphabètes doivent bénéficier des appuis spécifiques pour accroître leur portée au grand bonheur des usagers en occurrence des femmes.

Les organisations de la société civile doivent aussi bénéficier d’accompagnements financier et technique pour l’intégration du genre dans leurs activités médiatiques afin de réduire les injustices observées quant à la promotion du genre pour amorcer le développement socio-économique tant attendu. Vivement. 

 

Notes

1. La Déclaration Universelles des Droits de l’Homme; la Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des Femmes, ratifié en 1992;  la Convention N°111 concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession, ratifié en 1961; la Convention N°100 sur l’égalité de rémunération entre la main d’œuvre masculine et la main d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale, ratifié en 1968.

2. La Loi N° 2002- 07 du 24 août 2004 portant Code des personnes et de la famille (CPF) ; la loi n°2006 -19 du 05 Septembre 2006 portant répression du harcèlement sexuel et protection des victimes en République du Bénin.

3. Ministère de la Famille, des Affaires Sociales, de la Solidarité Nationale, des Handicapés et des Personnes du Troisième Age, 2011.

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