Beijing + 25 : Persistance des stéréotypes et inégalités de genre
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Beijing + 25 : Persistance des stéréotypes et inégalités de genre

Adeline Nsimire

Représentation significative, faible visibilité, image stéréotypé… tels sont les qualificatifs résumant la place de la femme et l’importance que lui accordent les médias en République démocratique du Congo

Les femmes sont de plus en plus intéressées par la profession de journaliste en RDC. L’on note leur présence accrue dans les entreprises de presse basées aussi bien dans la capitale que dans les chef- lieux des provinces. Selon un monitoring effectué par l’Union Congolaise des Femmes des Médias en 2013, les femmes représentent 43 pourcents à la radio, 27 pourcents à la télévision et seulement 13 pourcents dans la presse écrite.1

Cependant, malgré sa présence dans les médias, la femme journaliste congolaise peine encore à émerger dans ce secteur. Le plus souvent, son rôle au sein des médias audiovisuels se limite à une simple speakerine et présentatrice d’émissions, pendant que les hommes s’occupent des grands reportages et surtout de la gestion des programmes, de l’administration et de la ligne éditoriale.

Á la télévision, les femmes apparaissent en majorité (59%) parmi les présentateurs de journaux, une position où l’« image » et l’aspect physique jouent un rôle important; alors qu’elles se trouvent en minorité (41%) dans le rôle de journaliste / correspondant / analyste / envoyé, basé davantage sur l’expérience et la compétence journalistique. Tandis qu’à la radio, l’apport féminin est presque paritaire dans la présentation des journaux, mais le désavantage est plus fort sur la position de journaliste (38%).2

En ce qui concerne le contenu, les radios tout comme les télévisions accordent très peu la parole aux femmes en privilégiant les hommes. Et quand une femme est mise en exergue, elle est souvent présentée en tant qu’objet de discours médiatique et nom comme source d’information ou experte, rôle que les mes médias réservent aux hommes.

Ceci s’explique par le fait qu’à une différence près, tous les medias congolais sont orientés par des intérêts financiers plutôt que par le besoin de produire une information crédible et qui vient d’avoir lieu au bénéfice de son public. Ce qui contribue à la détérioration des informations qu’ils produisent.3

Des contenus en rapport avec le genre, l’égalité des chances entre hommes et femmes ne sont pas épargnés par cette tendance de monnayage de l’information. En effet, la femme congolaise est caractérisée par un faible pouvoir économique auquel il convient d’ajouter le poids de la coutume et des préjugés de toutes sortes. Ceci limite ses aspirations à affronter, à armes égales avec les hommes, les inégalités constatées dans la prise en compte de leurs opinions et leurs besoins spécifiques par et à travers les médias.

 

La plateforme de Beijing : Beaucoup d’engagements en attente d’application concernant les femmes et les médias
A l’aube du 25ème anniversaire de la quatrième conférence mondiale sur les femmes tenue à Beijing en septembre 1995, il y a lieu de noter que les droits des femmes et leur autonomisation socio économiques préoccupent à un haut niveau les gouvernements, les organisations féminines ainsi que les Nations Unies globalement. Et cela dans tous domaines, y compris les médias.

Faudrait-il comprendre par là que l’objectif stratégique 1 tel que formulé par les participants-es à la conférence de Beijing est déjà atteint ou en voie de l’être en RDC, plus particulièrement dans la province du Sud-Kivu ? Visant à « Permettre aux femmes de mieux s’exprimer et de mieux participer à la prise des décisions dans le cadre et par l’intermédiaire des médias et des nouvelles techniques de communication »,4 le niveau de l’atteinte de cet objectif stratégique ne rencontre pas l’unanimité des acteurs/trices locaux du secteur de l’information et de la communication.

« Il y a un début d’amélioration car, sur les 38 chaines de radios que compte la province, au moins deux de celles-ci ont été créées et sont gérées par les femmes », Iranga Marie Claire, responsable d’une organisation des femmes et animatrice à la Radio Bubusa émettant du village de Mugogo. Ce que repousse d’un revers de la main Mademoiselle Chikwanime Divine, étudiante en droit dans une université de la place. Pour elle en effet, les hommes se sont taillé la part du lion en s’attribuant le gros des médias en province. Notamment cinq chaines de télévision et 36 contre seulement deux chaines de radio pour les femmes. « Non le fossé est grand et c’est l’image de la femme qui en pâtit », murmure-t-elle.

Parlant justement de la représentation des femmes dans les chaines de télévision locales, Divine s’est dite satisfaite de constater que beaucoup de femmes interviennent à la télé comme présentatrices ou comme camerawomen. Paradoxalement, elle a dit ne pas comprendre pourquoi des les images de la femme véhiculés par ces médias demeurent stéréotypées, discriminatoires et offensantes.

Pour elle en effet, les médias doivent cesser de présenter les femmes comme des objets à travers des films et clips vidéos, mais plutôt les présenter comme des êtres humains actrices incontournables du processus de développement pour le bien être de leurs familles et de la communauté tout entière.

La femme des médias, actrice et bénéficiaire du changement

La grande concentration des médias dans les centres urbains au détriment des villages a certes des répercussions négatives sur le développement rural et la réduction des pratiques néfastes à la promotion des droits des femmes et des filles rurales. Cependant, la prolifération de médias en milieux ruraux est loin de d’atteindre cet objectif si des mesures adéquates d’accompagnement de ces medias et leurs animateurs ne sont pas mises en œuvre et suivies par des acteurs étatiques et non étatiques intéressés par ce secteur.

La formation et l’éducation aux médias jouent un rôle de premier plan dans ce secteur, mais l’appui multiforme en structuration et en acquisition des équipements adéquats et modernes d’information et de communication apparaissent comme une nécessité absolue pour faire des médias des véritables outils de promotion du développement et de l’égalité entre les sexes. C’est d’ailleurs l’une des dispositions contenues dans le programme d’action de Beijing de 1995 qui stipule que les gouvernements et autres entités intéressées par le secteur des médias devraient « Accorder leur soutien à l’éducation, à la formation et à l’emploi des femmes pour leur permettre d’accéder dans des conditions d’égalité aux médias, dans tous les secteurs et à tous les niveaux ».5

 

Des défis énormes à surmonter pour gagner le pari médias et genre selon l’esprit de la plateforme de Beijing

A part l’Association Mondiale pour la Communication Chrétienne, WACC, il s’avère impérieux d’adhérer à des réseaux nationaux et internationaux œuvrant dans le domaine du genre et médias afin d’échanger d’informations avec leurs différents membres, notamment sur des opportunités de financement en faveur des initiatives d’information et communication portées par les femmes pour la promotion des droits à la communication pour tous et à l’égalité des genres dans les médias.

C’est ce que s’interroge Jocelyne M’Maninga, Présidente du Conseil d’Administration de l’organisation Sauti ya Mwanamke Kijijini, initiatrice du projet de radio Bubusa. « A part la WACC, je n’ai pas d’information concernant des organisations qui appuient les projets de communication portés par des femmes. Par ailleurs, l’absence de subsides du gouvernement à notre radio est de nature à étouffer notre initiative. »

Tout comme le manque de formation professionnelle, l’absence des femmes dans les structures nationales et provinciales de régulation des médias ne permet pas à celles-ci de mener une lutte acharnée contre les inégalités et les stéréotypes véhiculés par les médias.

C’est à genre de défis, parmi entre autres, que les médias du Kivu, le gouvernement et les organisations de la promotion des médias dans une perspective de genre devraient relever en marge du 25ème anniversaire de la déclaration et plan d’action de Beijing de 2020.

 

Notes

1. UCOFEM, Monitorage du genre dans les médias, Rapport de monitorage, 2013, p.6
2. Monitorage du genre dans les médias, Rapport de monitorage, 2013, p.6
3. WACC, Monitoring media reportage and portrayal of Internally Displaced Persons (IDPs) in Africa Extract of findings from a two-month survey of media reports in ten newspapers in DRC, 2019, P.5
4. Déclaration et programme d’action de Beijing, 1995, p. 173
5. Déclaration et plan d’action de Beijing, 1995, p. 173

 

Sociologue de formation, Adeline Nsimire est la coordinatrice de l’organisation Sauti ya Mwanamke Kijijijini (SAMWAKI) et directrice de la radio Bubusa FM, une radio communautaire pour femmes rurales implantée dans le village de Mugogo , territoire de Walungu en province du Sud-Kivu en 2008 avec l’appui financier de la WACC. A la suite de plusieurs formation en journalisme, elle est passionnée par la profession et intervient dans de nombreux projets locaux et régionaux comme consultante en approches Club d’écoute communautaire et genre et sécurité alimentaire. Master Trainer sur l’approche Ecole Pratique d’Agriculture et de Vie pour jeunes et adultes, elle sert les communautés locales dans la mise en place et l’accompagnement des Champ école Paysans   dans différentes régions de la RDC, en particulier dans les provinces du Nord-Kivu, Sud-Kivu, le Katanga et la province Orientale. Ancienne présidente du Conseil d’Administration du Réseau des Radios et Télévisions Communautaires du Sud-Kivu, RATECO Sud-Kivu en sigle, elle est actuellement la secrétaire exécutive de l’UMARCOP (Union des Medias et Acteurs Ruraux et Communautaires contre la Pauvreté en RD Congo) et présidente du Réseau International des Femmes de l’Association Mondiale des Radiodiffuseurs Communautaires (AMARC-WIN).

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