Les Régulateurs des médias audiovisuels: Acteurs pour l’égalité de genre
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Les Régulateurs des médias audiovisuels: Acteurs pour l’égalité de genre

Photo: Gorodenkoff/Shutterstock


Cette contribution au dossier que prépare L’Alliance mondiale genre et médias (GAMAG) en vue de prendre part activement à la 62ème session de la CSW en mars 2018 ne porte pas sur un thème en relation avec la « participation et accès des femmes aux médias » mais plutôt sur un acteur du paysage médiatique, généralement peu connu alors que son rôle est primordial dans la promotion de l’égalité de genre. Il s’agit du Régulateur de l’audiovisuel, composante d’une nouvelle génération d’institutions de bonne gouvernance dans les Etats modernes, post-monopolistiques.

Qui sont les Régulateurs des médias audiovisuels ? Issues de processus de démocratisation et de consécration des libertés fondamentales, dont la liberté d’opinion, d’expression, les instances sont créés et régies par la loi pour accompagner la libéralisation du secteur. Majoritairement indépendantes vis-à-vis du pouvoir exécutif et à l’abri des lobbys économiques, ces instances autonomes dans leur fonctionnement, agissent dans l’intérêt public via le prisme des médias, publics et privés. Elles sont redevables auprès des parlements et des juridictions de contrôle financier, et leurs décisions peuvent être cassées par les tribunaux administratifs. 

De par leur raison d’être, les régulateurs veillent à l’équilibre entre la libre concurrence et les principes d’intérêt public tels que le pluralisme des médias et la diversité des contenus. Parallèlement, ils consacrent la liberté de communication tout en veillant à ce que les médias respectent et promeuvent le pluralisme politique, la diversité culturelle, les Droits de l’Homme, y compris l’égalité entre les sexes.

Bien évidemment, la réalité et l’étendue des prérogatives et pouvoirs d’un régulateur et ses champs d’intervention diffèrent d’un pays à un autre. Néanmoins, la majorité de ces instances sont dotées, outre l’octroi des autorisations et l’attribution des fréquences aux radios et télévisions, de prérogatives décisionnelles en termes de règlementation, suivi et sanction, le cas échéant, et ce parallèlement à leur force de proposition.

Que peuvent faire les régulateurs en faveur de l’égalité de genre ?
De prime abord, et en vertu des spécificités du secteur audiovisuel et du rôle des régulateurs, ces derniers sont investis d’une mission stratégique par rapport aux opérateurs : veiller à la consécration de leur liberté de communication en tant que droit fondamental, dans le respect des droits fondamentaux des autres, dont le droit des femmes à ne pas être discriminées.

C’est dans le cadre de ce paradigme de base que les régulateurs peuvent et doivent :1

  • Contribuer à la consécration juridique de l’égalité dans les médias par le biais des avis argumentés qu’ils rendent obligatoirement au Gouvernement et au Parlement sur tout projet de loi concernant le secteur ;
  • Décliner les obligations juridiques des opérateurs, en matière d’égalité de genre, dans les cahiers des charges de ces derniers. Les cahiers des charges constituant la base contractuelle entre le régulateur et l’opérateur.
  • Veiller au mainstreaming du genre dans la production de normes dans différents domaines autorisés par la loi, tel que les normes spécifiques au traitement médiatique au pluralisme politique ;
  • Contrôler l’état d’application des opérateurs de leurs cahiers des charges, conformément à la loi, dont la vigilance par rapport aux stéréotypes sexistes et l’effort de promotion de l’égalité. Les manquements observés lors du monitoring des programmes peuvent être sanctionnés.
  • Produire des données genderisées relatives à la représentation des hommes et des femmes et des relations entre eux à travers l’ensemble des programmes et services audiovisuels du fait du potentiel, quasi- exclusif, de réception, archivage, visionnage et traitement (sur la base d’indicateurs) de l’ensemble de programmes.

L’établissement de partenariats ciblant la promotion de l’égalité :

  •  Au niveau national (outre les opérateurs): avec d’autres acteurs tels que les annonceurs, les producteurs, les instituts de formation de journalistes, institution académiques, société civile etc.
  •  Au niveau international : relations intra et inter-réseaux, ainsi qu’avec d’autres acteurs du secteur. 

Quelle est leur présence au niveau mondial ?
La majorité des instances de régulation de l’audiovisuel est apparue à partir des années 1980-1990. Leur nombre global dépasse à ce jour la centaine.2 Elles ont organisées de façon plus ou moins formelle dans le cadre d’une dizaine de réseaux mis en place sur des bases géographiques (Afrique, Europe, Méditerranée…), linguistiques (francophone, ibéro-américain, lusophone…) ou encore culturelle (Monde islamique).

Ces réseaux qui se réunissent selon une fréquence annuelle ou biannuelle pour faire le bilan et établir de nouvelles feuilles de routes, constituent des espaces de réflexion commune, d’échanges d’expériences, d’expertise et bonnes pratiques.

La question de l’égalité de genre est une des thématiques principales et dont les échanges ont donné lieu à l’adoption de Déclaration solennelle d’engagement ainsi que la constitution de groupes de travail pour en faire le suivi. Il s’agit notamment du :

REFRAM : Déclaration du REFRAM sur l’égalité entre hommes et femmes dans les médias audiovisuels (Bruxelles, 2011)

RIRM : Déclaration du RIRM relative à la lutte contre les stéréotypes fondés sur le genre dans les médias audiovisuels (Lisbonne, 2012)

RIARC : Déclaration du RIARC relative à la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes dans et à travers les médias (Cotonou, 2016).

Les trois déclarations mettent l’accent directement ou indirectement sur : 

  • Le déséquilibre de la représentativité quantitative et qualitative en défaveur des femmes tant au niveau des contenus médiatiques que de la gouvernance interne des entreprises qui les diffusent ; 
  • L’importance de la sensibilisation et de l’accompagnement des opérateurs audiovisuels en vue d’une implication privilégiant la co-régulation afin de lutter efficacement et durablement contre les stéréotypes sexistes et susciter de bonnes pratiques en la matière ; 
  • L’importance du partage d’expertises et d’expériences entre les instances de régulation et autres parties prenantes.

Ainsi la Déclaration du REFRAM insiste sur le caractère inclusif de cet enjeu sociétal, en incitant à une étroite collaboration entre régulateurs et représentants de la société civile. Elle encourage également, dans ce sens, à la formation des professionnels et des non-professionnels des médias sur la question de l’égalité hommes/femmes.

La Déclaration du RIRM se veut plus technique et concentrée sur la collaboration intra-réseau. Aussi, elle appuie la réalisation commune de recherches et d’études entre membres du réseau, principalement via l’affinement concerté d’indicateurs et d’outils d’évaluation sensibles au genre et intégrés aux différents dispositifs de monitoring mis en place par les régulateurs. 

Enfin, la Déclaration du RIARC, tout en s’inquiétant explicitement des impacts sur la société africaine des messages, images ou programmes délibérément sexistes et fondés sur des stéréotypes de genre, appelle le régulateur à appuyer les opérateurs audiovisuels dans leur rôle de socialisation, particulièrement vital dans cette région du monde. 

Motivés par un objectif commun explicité dans les intitulés des trois déclarations, les régulateurs membres des trois réseaux s’engagent, ainsi, à défendre un principe structurant de la culture des Droits de l’Homme, à savoir, la non-discrimination et l’égalité entre les hommes et les femmes

Que devrait retenir la CSW dans ses résolutions et recommandations à propos de l’apport des régulateurs a l’objectif  « égalité » ?
L’objectif de promotion de l’égalité de genre dans et à travers les médias audiovisuels est généralement partagé par les régulateurs. Afin que ces derniers puissent jouer davantage un rôle significatif, trois types de recommandations peuvent être pris en considération dans le plaidoyer de GAMAG auprès de la CSW :

Recommandation d’ordre général :
Reconnaitre de façon explicite les Régulateurs comme partie prenante pouvant avoir une valeur ajoutée en faveur de l’égalité de genre dans et à travers les médias (un paragraphe qu’on peut proposer).

Recommandations pour les Etats pour renforcer le rôle des régulateurs :
Intégrer de façon explicite et transversale le principe de « l’égalité hommes-femmes » dans les textes de lois qui régissent les instances de régulation et tout autre texte en relation avec le secteur ; 

  • Intégrer le principe de parité aux conditions d’élection/désignation des organes délibérants des instances de régulation ;
  • Doter les instances de régulation d’une prérogative explicite de lutte contre les stéréotypes sexistes et de promotion de la parité et de l’égalité dans et à travers les médias audiovisuels ;
  • Charger les régulateurs de l’élaboration de rapports annuels destinés aux Parlements sur l’état de l’égalité dans et à travers les médias dans un objectif d’évaluation et d’analyse des avancées, contraintes et recommandations. 

Notes
1. Les exemples cités sont basés sur l’expérience de la HACA du Maroc.

2. Certaines instances appartiennent à plus d’un Réseau.

 

Amina Lemrini Elouahabi est Présidente de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuel  (HACA, MAROC), Co-Présidente (Avec Martine Condé, Présidente de la Haute Autorité de la Communication de la Guinée ) du Groupe de travail « genre et medias » du Réseau des Instances Africaines de Régulation de la Communication (RIARC), Ancienne Co-Présidente (Avec Emelina Fernandez Soriano, Présidente du Conseil Audiovisuel d’Andalousie, Espagne ) du Groupe de travail « genre et médias » du Réseau des Instances de Régulation Méditerranéennes (RIRM -2013-2015).

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